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Régénération des organes : où en sont les recherches ?

Certains animaux ont la capacité de régénérer leurs membres amputés. Aussi, les chercheurs axent leurs travaux sur ces animaux pour comprendre le mécanisme de régénération pour pouvoir, pourquoi pas, l’appliquer à l’homme.

Petit tour d’horizon des recherches :

Le Parhyale et ses pattes

Le parhyale est un petit crustacé qui peut être apparenté aux crevettes et que l’on trouve dans les côtes tropicales.  Il a le pouvoir de régénérer ses pattes. En étudiant le processus de régénération, des chercheurs de l’Institut de Génomique Fonctionnelle de Lyon ont identifié un type de cellule progénitrice pour le muscle. Chose étonnante, cette cellule ressemble à un type de cellule que l’on trouve chez l’être humain. « Il existe une probabilité que les similarités que nous avons constatées soient superficielles, et que ce ne soient pas vraiment les mêmes cellules », rappelle Michalis Averof. « Mais si c’est bien le cas, cela veut dire qu’elles étaient présentes chez les ancêtres communs des arthropodes (dont les crustacés) et des vertébrés. La question est donc de savoir si une capacité de régénérer des muscles était présente chez nos ancêtres communs, ou si elle a évolué plusieurs fois chez les animaux. »[1]

L’Ascidie et le renouvellement de ses tissus

Les ascidies sont des animaux sous-marins en forme d’outre. Les ascidies ont la faculté de renouveler leurs tissus très rapidement après de rares lésions. Mieux, elles possèdent plusieurs voies pour reconstruire un même corps, ce qui est rare. Elles sont étudiées par une dizaine d’équipes de chercheurs dans le monde. Ces invertébrés marin sont répartis en 2 familles : les solitaires qui ne se reproduisent que de manière sexuée et montrent des capacités de régénération faible, et les coloniales qui se reproduisent de manière asexuée, c’est-à-dire qui ne fait intervenir qu’un seul individu. Or ce mode de reproduction est en général lié à un pouvoir de régénération élevé. Stefano Tiozzo et le Laboratoire de biologie du développement de Villefranche-sur-Mer portent leurs recherches sur une espèce proche, le Botrylle étoilé. Ce chercheur prévoit de séquencer le génome du botrylle mais aussi des ascidies coloniales et solitaires, pour tenter de mettre à jour des « gènes de la régénération ». Ces recherches « pourraient conduire à une meilleure compréhension des mécanismes de production des cellules souches, ces cellules « mères » capables de redonner vie à toute forme de cellules et à partir desquelles un organe voire un organisme complet peut être reconstitué. Ce sont ces mêmes cellules souches qui, chez les ascidies, interviennent dans la reproduction asexuée et dans la régénération. Pour le moment, Stefano Tiozzo et son équipe essaient avant tout de comprendre l’origine de ces cellules souches chez le botrylle étoilé : préexistent-elles déjà un peu partout dans l’organisme, ou proviennent-elles de cellules spécialisées en mesure de se reprogrammer ? Autant de réponses à venir qui pourraient aussi éclairer les mécanismes évolutifs qui ont privé une grande partie des animaux, dont les êtres humains, de ces incroyables capacités. » [2]

L’Axolotl et son génome

L’axolotl, Ambystoma mexicanum, est une espèce d’urodèles de la famille des Ambystomatidae. Il fait partie des animaux ayant la capacité de passer toute leur vie à l’état larvaire sans jamais se métamorphoser en adulte, et donc de se reproduire à l’état larvaire. Il est de ce fait très étudié depuis très longtemps. Grâce à ses capacités, il est capable, en l’espace de quelques semaines, de faire repousser os, muscles et nerfs, colonne vertébrale ou rétine. Aujourd’hui, des chercheurs basés à Vienne annoncent avoir décodé le génome de l’axolotl. Ils ont ainsi mis en avant que le gène PAX3, qui joue un rôle prépondérant dans la formation des tissus et des organes lors du développement de l’embryon, est absent et est remplacé par le gène PAX7.

Le poisson-zèbre

Couramment utilisé en aquariophilie, ce poisson est fréquemment utilisé comme organisme modèle en biologie. Il a la faculté de reconstruire les nageoires et le cœur. Plusieurs équipes de chercheurs ont établi que pour régénérer son cœur ce poisson n’utilise pas de cellules souches mais au contraire mobilise des cellules encore fonctionnelles à partir desquelles l’organe peut repousser. Il réactive en quelque sorte les programmes qui lui ont servi à devenir adulte. Lors du processus de régénération, les cellules du muscle cardiaque se divisent pour remplacer les tissus endommagés. Fait intéressant : 70% des gènes humains ont un homologue chez le poisson zèbre. On comprend dès lors que ce poisson zèbre intéresse des chercheurs du monde entier.

Les salamandres

Les salamandres sont capables de faire repousser un membre suite à une blessure. Des scientifiques de la University College London ont identifié la voie biologique qui permet aux cellules de se régénérer. Ce processus est baptisé ERK (Extracellular Signal Regulated). Dans le processus de régénération, les cellules sont reprogrammées, c’est-à-dire qu’elles doivent perdre leur identité première. Elles prolifèrent pour reproduire de nouvelles cellules qui contribuent à la mise en œuvre d’une nouvelle structure. C’est de cette manière que la salamandre régénère sa queue, mais aussi sa moelle épinière et d’autres organes. Ce processus ERK doit être constamment actif. Or ce n’est pas le cas chez les mammifères pour lesquels le processus ERK est mis en œuvre de façon éphémère.

Le Xenope et le têtard

Une équipe de l’Université de Cambridge au Royaume-Uni a mis en évidence le mécanisme de régénération de la queue des têtard suite à une amputation. [3] Ils ont bénéficié pour cela d’une nouvelle technique d’analyse génétique, le séquençage par cellule unique. Ils ont analysé les cellules présentes au niveau de la blessure et les cellules du reste de la queue, pour découvrir que ces cellules étaient les mêmes. Ils ont alors analysé les têtards des xénophes, une petite grenouille africaine. Ces têtards ont la particularité d’avoir une queue qui ne repousse plus si elle est coupée entre le 5e et le 7e jour suivant la fertilisation. « Nous avons donc pu comparer des têtards compétents et des têtards “incompétents” et découvert que, chez les seconds, il manquait un type cellulaire, indique Jérôme Jullien, il se trouve bien présent sur le côté de la queue, mais il ne migre pas vers le site d’amputation. »

Les cellules d’organisation de la régénération (ROC) sécrètent des facteurs de croissance qui eux-mêmes stimulent le développement de toutes les cellules nécessaires à la repousse de la queue. Les chercheurs ont fait disparaître les ROC – soit génétiquement, soit chirurgicalement – et constaté que la régénération s’interrompait. Pour aller plus loin, les biologistes ont greffé des tissus contenant les fameuses cellules sur le dos d’un têtard. « Et on y a vu apparaître l’amorce d’une queue », raconte Jérôme Jullien.

Beaucoup d’autres recherches

La liste des animaux dotés d’une faculté de régénération de membres entiers ou de tissus et sur lesquels les scientifiques travaillent est encore longue : Gecko,  lézards, hydre, vers, …

Toutes ces études ont un seul et même objectif : comprendre la régénération chez ces espèces. Cette compréhension permettrait d’explorer chez l’homme des mécanismes similaires. Au lieu de transplanter un organe, pourquoi ne pas imaginer avoir des cellules capables de régénérer un organe ou un tissu ?

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[1] https://sciencespourtous.univ-lyon1.fr/mystere-membres-repoussent/

[2] https://lejournal.cnrs.fr/articles/cet-animal-est-un-expert-de-la-regeneration

[3] Cette étude a été publiée dans la revue Science en mai 2019. https://www.lemonde.fr/sciences/article/2019/05/26/comment-les-tetards-font-repousser-leur-queue_5467404_1650684.html